samedi 17 août 2013

Traduction de vacances : hollidays

Je suis en vacances pour quelques semaines, bien loin de mon poste de travail... :-(
Pour boucher les trous, je vous propose un nouvel article de traduction comparée de Trois hommes dans un bateau (le premier est ici). Nous allons nous intéresser à un autre passage du chapitre 10, celui que je suis en train d'adapter. Mais le passage en question de sera pas présent dans le jeu (en tout cas dans un premier temps), vous pouvez donc le lire sans vous spoiler.
Voici tout d'abord la version anglaise :
   And then we got on to drains, and that put George in mind of a very funny thing that happened to his father once. He said his father was travelling with another fellow through Wales, and, one night, they stopped at a little inn, where there were some other fellows, and they joined the other fellows, and spent the evening with them.
   They had a very jolly evening, and sat up late, and, by the time they came to go to bed, they (this was when George's father was a very young man) were slightly jolly, too. They (George's father and George's father's friend) were to sleep in the same room, but in different beds. They took the candle, and went up. The candle lurched up against the wall when they got into the room, and went out, and they had to undress and grope into bed in the dark. This they did; but, instead of getting into separate beds, as they thought they were doing, they both climbed into the same one without knowing it—one getting in with his head at the top, and the other crawling in from the opposite side of the compass, and lying with his feet on the pillow.
   There was silence for a moment, and then George's father said:
"Joe!"
"What's the matter, Tom?" replied Joe's voice from the other end of the bed.
"Why, there's a man in my bed," said George's father; "here's his feet on my pillow."
"Well, it's an extraordinary thing, Tom," answered the other; "but I'm blest if there isn't a man in my bed, too!"
"What are you going to do?" asked George's father.
"Well, I'm going to chuck him out," replied Joe.
"So am I," said George's father, valiantly.
There was a brief struggle, followed by two heavy bumps on the floor, and then a rather doleful voice said:
"I say, Tom!"
"Yes!"
"How have you got on?"
"Well, to tell you the truth, my man's chucked me out."
"So's mine! I say, I don't think much of this inn, do you?"
"What was the name of that inn?" said Harris.
"The Pig and Whistle," said George. "Why?"
"Ah, no, then it isn't the same," replied Harris.
"What do you mean?" queried George.
"Why it's so curious," murmured Harris, "but precisely that very same thing happened to my father once at a country inn. I've often heard him tell the tale. I thought it might have been the same inn."
Three Men in a boat, Jerome K. Jerome, chapitre X.

Puis la version Wikisource / ebooksgratuits.com, traduite en Français par Théo Varlet sous le pseudonyme de Déodat Serval :
   Et alors nous abordâmes la question du drainage, et cela rappela à George une très curieuse aventure arrivée jadis à son père.
   Son père, raconta-t-il, voyageait dans le pays de Galles, avec un de ses amis. Un soir, ils s’arrêtèrent dans une petite auberge, où se trouvaient d’autres voyageurs, auxquels ils se joignirent pour passer la soirée.
   Celle-ci fut très joyeuse et se prolongea jusque tard dans la nuit, et quand ils allèrent se mettre au lit, le père de George (qui était alors un tout jeune homme) et son ami étaient l’un et l’autre légèrement pompettes. Ils devaient coucher dans la même chambre, mais dans des lits différents. Ils prirent leur chandelle et montèrent. Leur entrée dans la chambre dut être mouvementée, car la chandelle alla donner contre le mur et s’éteignit : il leur fallut se déshabiller dans le noir et chercher leurs lits à tâtons. Mais au lieu de se mettre chacun dans leur lit comme ils croyaient le faire, tous deux, sans le savoir, grimpèrent dans le même, l’un ayant la tête au chevet, et l’autre y rampant du côté opposé, ses pieds trouvant leur place sur le traversin.
   Après un moment de silence, le père de George appela :
« Joe !
– Que se passe-t-il, Tom ? lui fit écho, de l’autre bout du lit, la voix de Joe.
– Il y a quelqu’un dans mon lit. Il a ses pieds sur mon oreiller.
– Eh bien, ça, c’est pas banal, Tom, répliqua Joe, mais qu’on me pende s’il n’y a pas aussi quelqu’un dans mon lit.
– Qu’allons-nous faire ? demanda le père de George.
– Ma foi, je vais le flanquer dehors.
– Moi aussi », fit le père de George, vaillamment.
Il y eut une brève lutte, deux bruits sourds sur le parquet, et une voix plutôt pâteuse s’éleva :
« Hé, Tom !
– Quoi ?
– Comment tu t’en es tiré ?
– Eh bien ! pour tout te dire, c’est moi qui me suis fait virer !
– Moi aussi ! Dis donc, je n’aime pas beaucoup cette auberge, pas toi ? »
« Comment s’appelait cette auberge ? demanda Harris.
– Le Cochon et le Sifflet, répondit George. Pourquoi ?
– Ah ! non, ce n’est pas la même, dit Harris.
– Qu’est-ce que tu veux dire ?
– C’est très curieux, murmura Harris, mais une aventure semblable est arrivée à mon propre père, dans une auberge de campagne. J’ai souvent entendu raconter l’histoire. J’ai songé que c’était peut-être la même auberge. »
Trois Hommes dans un bateau, Jerome K. Jerome, chapitre X, traduction DS.

Ma vieille version Hachette, traduite par Maurice Beerblock (j'ai laissé une coquille présente dans le texte original. Soignes ta copie, Maurice !) :
   Du drainage, nous en vînmes, je ne sais plus comment, à parler des boissons ; et George se souvint d'une aventure assez bouffonne qui était arrivée, un jeur [sic], à son père. Le père de Georges voyageait avec un ami dans le pays de Galles. Il s’arrêtèrent, certain soir, dans une auberge où logeait déjà plusieurs voyageurs et se joignirent à eux pour passer la soirée.  Ce fut une joyeuse soirée, et qui se prolongea très tard. Au moment d'aller se coucher, le père de George (il était jeune, alors) et son ami étaient passablement joyeux, eux aussi. Ils devaient partager la même chambre, une chambre à deux lits. Ils prirent la chandelle et gagnèrent l'étage. Mais vu l'état... joyeux de ceux qui la portaient, la maudite chandelle, comme ils arrivaient dans la chambre, fit une embardée qui l'envoya contre le mur, où elle s'éteignit. N'ayant pas de quoi la rallumer, nos deux amis durent se déshabiller, puis entrer au lit sans lumière. Ainsi firent-ils ; mais au lieu d'entrer chacun dans son lit, ainsi qu'ils croyaient faire, tous deux grimpèrent dans le même, l'un se couchant la tête, l'autre les pieds sur l'oreiller.
   Il y eut d'abord un silence. Puis le père de George dit :
 « Joe !
- Qu'est-ce qu'il y a, Tom ? fit, à l'autre bout du lit, la voix de Joe.
- Il y a un homme dans mon lit ! Je sens ses pieds sur l'oreiller !
- Le diable m'emporte, dit Joe, s'il n'y en a pas un dans le mien aussi !
- Que vas-tu faire ?
- Eh ! mais, pardi !... le balancer dehors !
- Je vais en faire autant ! » dit courageusement le père de George.
   On perçut le bruit d'une courte lutte, puis deux chocs sourd contre le plancher. Alors, une voix pâteuse s'éleva :
« Dis donc, Tom ?
- Oui ?
- Où en es-tu ?
- Eh bien... pour ne rien te cacher, c'est moi qui ai été flanqué dehors !
- Moi aussi !... Dis donc, Tom, elle ne me fait pas très bonne impression, à moi, cette auberge ! Et toi, qu'en penses-tu ? »
« Quel était le nom de l'auberge ? demanda Harris.
- C'était : "Au cochon qui danse", dit George. Pourquoi ?
- Ah !... Ce n'est pas la même ! fit Harris.
- Que veux-tu dire ?
- Eh bien, c'est très curieux, mais pareille aventure est arrivée à mon père, à moi. Je lui ai souvent entendu raconter l'histoire. Alors, j'ai pensé que c'était peut-être la même auberge !... »
Trois Hommes dans un bateau, Jerome K. Jerome, chapitre X, traduction MB.

Et enfin, la traduction des Bibliothèques de l'Aventure par l'inconnu(e ?) DR :
  À propos de drainage, George se souvint d'une aventure bien drôle arrivée jadis à son père. Son père, raconta-t-il, voyageait dans le pays de Galles avec un de ses amis, et, un soir, ils s’arrêtèrent dans une petite auberge où il y avait quelques autres voyageurs, auxquels ils se joignirent pour passer la soirée.
   Celle-ce fût très agréable et ils restèrent levés fort tard. Lorsqu'ils allèrent se mettre au lit, le père de George (lequel père était alors un tout jeune homme) et son ami, étaient l'un et l'autre fort gais. Ils devaient coucher dans la même chambre mais dans des lits différents. Ils prirent leur chandelle et montèrent. En entrant dans la chambre, la chandelle alla donner contre le mur et s'éteignit : ils durent se déshabiller et chercher leurs lits à tâtons. Mais au lieu de se mettre dans des lits différents, comme ils croyaient le faire, tous deux, sans le savoir, grimpèrent dans le même, - l'un ayant la tête au chevet,  et l'autre s'y glissant du côté opposé, les pieds sur le traversin.
  Il y eut un moment de silence, puis le père de George dit : « Joë !
- Qu'y a-t-il, Tom ? répondit, de l'autre bout du lit, la voix de Joë.
- Eh bien ! il y a quelqu'un dans mon lit, dit le père de George : il a les pieds sur mon traversin.
- Ma foi, c'est bien étrange, Tom, répliqua l'autre ; mais c'est bien le diable s'il n'y a pas aussi quelqu'un dans mon lit !
- Qu'allons nous faire ? demanda le père de George.
- Ma foi, je vais le flanquer à bas, répondit Joë.
- Moi aussi », dit le père de George vaillamment.
   Il y eut une brève lutte, suivie de deux heurts retentissants sur le carreau, et puis une voix dolente prononça :
« Hé, Tom !
- Quoi ?
- Avez-vous réussi ?
- Hé bien, à vrai dire, c'est mon homme qui m'a flanqué à bas.
- Le mien aussi ! Vrai, cette auberge ne me revient guère. Et vous ? »
« Comment s'appelait cette auberge ? dit Harris.
- "Le Cochon et le Sifflet", dit George. Pourquoi ?
- Ah ! alors ce n'est pas la même, répondit Harris.
- Que voulez vous dire ?
- C'est très curieux, murmura Harris, mais la même aventure exactement est arrivée à mon père dans une auberge de campagne. Je lui ai maintes fois entendu raconter l'histoire. Je croyais que peut-être il s'agissait de la même auberge. »
Trois Hommes dans un bateau, Jerome K. Jerome, chapitre X, traduction DR.

Et vous, quelle version préférez-vous ? Si d'une façon générale j'aime bien la traduction de DR, là je crois que je préfère celle de Déodat Serval.
Déodat Serval, DR ou Maurice Beerblock ?

4 commentaires:

  1. Pas de billets de blog ce week end pour cause de vacances. J'aurais pu le dire dans un billet, mais alors ça aurait quand même fait un billet de blog alors que je voulais pas en faire...
    Retour à la normal prévue pour le 31 août ou le 1er septembre.

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  2. Dire que j'allais porter réclamation ! Quel professionnalisme :)

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  3. Je me suis enfin décidé de prendre le temps de lire ce long article. Je n'ai pas pu comparer à l'anglais (pas le niveau, encore une fois) mais je crois que je préfère la dernière traduction, en tout cas la deuxième ne m'a vraiment pas semblé terrible a priori. Exemple flagrant : "Au moment d'aller se coucher, le père de George (il était jeune, alors)".

    Je ne sais pas où ce monsieur a appris la traduction, mais cette parenthèse, même si elle parait être écrite dans un français correct, n'est vraiment pas claire à la première lecture. Les deux autres versions (ou en tout cas la troisième, il me semble avoir buté sur d'autres étrangetés dans la première) sont beaucoup plus limpides.

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    1. Merci d'avoir lut ! :-)
      Dans l'ensemble, la troisième traduction est ma préférée. Mais je suis relativement indulgent concernant les deux autres car d'une part elles sont vieilles et la langue à évolué depuis, et d'autre part le style (ou le manque de style ?) de Jerome K. Jerome est assez compliqué à rendre : il y a des fautes de styles qui sont là à but humoristiques. Ca me fait assez penser à du Hugues Serraf : http://hugues.blogs.com/

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